Meta accusé de « réticence historique » à protéger les enfants sur Instagram


Logo de l’application Instagram sur l’écran d’un smartphone, en juillet 2021.

Des documents internes de Meta, datant de 2020 et de 2021 et rendus publics mercredi 17 janvier, accréditent l’idée que les équipes de la société, maison mère de Facebook et Instagram, avaient conscience que leurs plates-formes permettaient à des prédateurs sexuels de rentrer en contact avec des mineurs. Dévoilés dans le cadre de poursuites lancées en décembre contre Meta par l’Etat américain du Nouveau-Mexique, ces documents montrent que « pendant des années des employés de Meta ont tiré la sonnette d’alarme », selon Raul Torrez, procureur général de l’Etat. « Les dirigeants de Meta, y compris M. Zuckerberg, ont systématiquement pris des décisions privilégiant la croissance plutôt que la sécurité des enfants », a-t-il déclaré à la presse américaine.

Une présentation de 2021 montrait par exemple que, chaque jour, environ 100 000 mineurs étaient victimes de harcèlement sexuel sur les messageries de Meta, recevant des photos de pénis ou des messages à caractère sexuel. Selon les pièces rendues publiques, Instagram semble plus concerné que Facebook, où davantage de garde-fous ont été mis en place. Une présentation de 2020 laisse entendre que l’extension de ces mesures à Instagram n’était « pas priorisée ».

Les documents dévoilés mercredi montrent également que cette situation faisait débat dans l’entreprise. Dans des échanges internes, des employés critiquent la possibilité pour des adultes d’envoyer des messages privés à des mineurs sur Instagram – depuis mars 2021, Meta a évolué, et empêche désormais les plus de 19 ans de contacter des mineurs. Dans d’autres messages, des salariés du groupe dénoncent les réglages d’un algorithme de recommandations, baptisé « People You May Know », qui permet la suggestion de nouveaux utilisateurs à suivre : il aurait, selon eux, régulièrement proposé des profils d’enfants à des prédateurs. « Comment est-ce possible que nous n’ayons jamais, tout simplement, bloqué “People You May Know” entre les adultes et les enfants ? », s’agace un employé.

Meta est « sous-investi dans la question de la sexualisation des mineurs », résume ainsi un document de 2021 sur le thème de la sécurité des enfants, pointant, entre autres, un problème de commentaires à caractère sexuel sous les publications d’enfants sur Instagram. « C’est non seulement une expérience terrible pour les créateurs de contenus et les spectateurs, mais c’est aussi une manière pour les prédateurs de se reconnaître entre eux et de se mettre en relation. »

Une plainte de plus de quarante Etats

La plainte mentionne un autre document faisant état d’une anecdote étonnante : en 2020, un cadre d’Apple, dont l’enfant de 12 ans avait reçu une sollicitation sur Instagram, s’était plaint auprès de Facebook, qui s’était « précipité pour régler le problème », craignant un bannissement de l’App Store. La preuve, selon la plainte, que Meta « savait que la sollicitation d’enfants par des adultes était un problème sur la plate-forme, et était capable d’en faire une priorité quand il voulait ». Selon la plainte, cela révèle la « réticence historique » de la société à « établir des dispositifs de sécurité appropriés sur Instagram ».

En décembre, Meta avait jugé que cette plainte « déformait » son travail en exploitant des citations décontextualisées. Dans un nouveau communiqué, transmis à la presse américaine, l’entreprise a assuré être proactive sur le sujet. « Nous utilisons des technologies sophistiquées, embauchons des experts de la sécurité des enfants, signalons des contenus au National Center for Missing and Exploited Children, et partageons des informations et des outils avec d’autres entreprises et les forces de l’ordre, y compris les procureurs généraux, pour aider à combattre les prédateurs. En un mois seulement, nous avons désactivé plus d’un demi-million de comptes pour violation de nos règles sur la sécurité des enfants. »

Meta annonce régulièrement des évolutions de ses produits visant à protéger les enfants. Le 9 janvier, le groupe a par exemple annoncé qu’il restreindrait davantage l’accès des mineurs à certains contenus sensibles sur Facebook et Instagram. En juin, il avait lancé un groupe de travail autour de ces questions, dont l’objectif est d’examiner les mesures déjà en place et de les modifier si nécessaire.

Le groupe de Mark Zuckerberg n’est pas seulement la cible du Nouveau-Mexique. En octobre, plus de quarante Etats américains ont porté plainte contre l’entreprise, l’accusant de nuire à la « santé mentale et physique de la jeunesse ».

Le Monde avec AP



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